Lettres
Taggeur, slameur, bonheur...
Le garçon avait été invité par la veuve d'un artiste peintre du village pour égayer un mur de sa maison qu'elle trouvait trop triste. C'était un taggeur. En même temps, elle avait organisé une exposition de photos de tags, grâce à un photographe qui avait su immortaliser pendant de longues années les œuvres éphémères qui couvraient parfois les murs de nos villes.
Comme j'écoutais parler le garçon avec grande attention, il se mit à me débiter un poème, sans la moindre hésitation, avec un talent époustouflant... Je continuai alors à m'intéresser, à le questionner sur lui-même, sa façon de vivre, son art... C'était un véritable artiste... sans la moindre ambition cependant !
Je revins le lendemain voir l'avancement de son œuvre sur le mur de la maison de la vieille dame. Heureux de mon intérêt, il m'offrit alors un recueil des poèmes qu’il récitait, écrits par de "simples amateurs de mots, rappeurs convaincus, poétesses et poètes amateurs ou patentés..."
Ce recueil s'appelle LO BOLEGASON. J'en éditerai ici, de temps en temps, quelques-uns des textes. Voici le premier :
TU REFERAS PAS LE MONDE
Tu referas pas le monde,
Faut être à la table ronde,
Parler la langue des riches,
Connaître les règles de la triche,
Y'a pas ton nom sur l'affiche.
Tu referas pas le monde,
Pas en paroles, ni en quelques secondes,
Tu changeras pas nos attitudes,
Chacun défend ses habitudes,
Y a qu'un seul nord pour un seul sud.
Tu referas pas le monde
T'as pas peint la Joconde,
Y aura personne pour t'écouter.
D'abord qui t'es pour critiquer ?
Tu passes même pas à la télé !
Tu referas pas le monde,
Que le tonnerre tombe
Que la foudre fonde
Que la glace gronde
C'est pas la fin du monde.
(c)
Marylène ETOGA
Comme tout cela est vrai ! J’en ai fait l’heureuse ( ?) ou la triste expérience pendant sept années d’alphabétisation bénévoles.